F. Roux - Au soleil de la salutation
Om shrî savitre va namah
Hommage à toi, ô soleil
Qui anime toute chose
En Inde, le soleil porte de multiples noms exprimant ses différents attributs : il est l’ami, le nourricier, le lumineux, le voyageur, l’animateur …
Dans les Veda, le Soleil est le dieu créateur et révélateur de toute chose. La racine DEV- ou DIV- qui signifie resplendir, est du reste à l’origine de plusieurs mots sanskrits – « deva » être céleste, « divya » divin, « diva » ciel, jour que l’on retrouve également dans notre langue – dieu, divinité, divin, diurne et dans l’anglais devil, le diable …
Symbole d’une prodigieuse richesse, le soleil agit sur les trois plans de l’être. Le physique, qu’il éclaire, chauffe et nourrit. Le psychique et l’affectif, qu’il réchauffe (« Tu es mon soleil ! ») et épanouit. Le spirituel, qu’il aide à grandir et mène aux confins de l’illumination. Il est l’expression de la vie mais aussi de la vérité. Il dissout les ténèbres de la nuit et celles de l’erreur. Il éveille le jour, mais également la conscience. Il illumine les cieux, il illumine l’âme.
De tout cela, il convient de se souvenir lorsqu’on aborde la pratique de Sûrya Namaskâra. C’est une prise de conscience de la beauté du cosmos et du mystère de la vie, ici et maintenant. Ce n’est pas un simple exercice de dérouillage, d’échauffement ou d’entretien. C’est une mouvante méditation, réconciliant toutes les polarités et invitant notre être à gouter la joie sans pareil de l’unité.
Bien doser l’usage que nous faisons de la Salutation au Soleil est donc tout à fait essentiel. Moment de la journée, vitesse, rythme, souffle, nombre, état d’esprit ont une grande importance et demandent beaucoup de discernement. On aura compris que la pratique de Sûrya Namaskâra n’est pas neutre.
Qui ne constate, en effet, que pour atteindre un Sûrya Namaskâra « coulé », il ne faut s’accrocher à rien, ne rien retenir ?
Chaque Salutation est une véritables « œuvre complète », synthèse des principaux âsana du yoga. A ce titre, son enseignement doit être d’une extrême précision. Et sa pratique se perfectionner au fil des années, en tenant compte des dispositions du corps, de l’âge, des circonstances de la vie de l’adepte. En aucun cas, elle ne peut être « plaquée » comme une quelconque mise en train qui s’effectuerait l’esprit ailleurs. Comme les âsana, elle engage tout l’être. Elle est méditation en action et prépare remarquablement au Karma-yoga, voie dans laquelle chacune de nos actions est un chemin d’évolution consciente.
Ainsi, peu à peu, émerge « la » Salutation qui nous convient. Si l’on ajoute à cela que chaque enseignement « réinterprète » la technique de base, on ne s’étonnera pas qu’il existe, selon l’Inde, autant de manières de pratiquer la Salutation au Soleil qu’on compte de yogi sous le soleil …
La lecture symbolique ici proposée est donc « une » lecture parmi d’autres possibles. Elle s’inspire, pour les postures et les respirations, de l’enseignement de l’ashram de Rishikesh avec quelques légères variantes, naturellement !
On peut noter que Sûrya Namaskâra repose sur un système d’alternances : ouvertures/fermetures, extensions/pliures, mouvements orientés vers le haut, le ciel/mouvements dirigés vers le bas, la terre, postures toniques, relâchements et, naturellement, expirs/inspirs, avec parfois une suspension du souffle.
La dualité énergétique fondamentale de la vie (ha et tha) est ainsi pleinement vécue et de façon très équilibrée. D’où le bien-être ressenti si le legato des enchainements est harmonieux, les respirations bien coordonnées et si l’on n’outrepasse pas ses forces.
François Roux
Revue Française de Yoga – 2002