I. Morin Larbey - De l'art de se pencher : une application pratique
Lorsque cet article sur les flexions latérales m’a été demandé, m’est venue à l’esprit sur le champ la fable de la Fontaine « Le chêne et le roseau ». Pourquoi le chêne se retrouve-t-il déraciné malgré cette puissance évidente … ?
Eh bien voilà, la force ne suffit pas, il faut la souplesse aussi, qui, loin d’être synonyme de faiblesse, permet de se mettre à l’écoute.
Nous sommes en plein concept du yoga, au cœur de cette alliance reine de sthira-sukha, de l’aisance et de la fermeté.
La flexion latérale en est un puissant symbole : la solidité et la fermeté dans l’ancrage, la fluidité et la souplesse dans le mouvement.
Dans le fait de se courber, se pencher d’un côté et de l’autre, il y a aussi cette notion de prêter l’oreille, puis d’accueillir nos différences. Comme un miroir qui prend le temps de la réflexion, nous explorons la gauche et la droite, le masculin et le féminin, l’Orient et l’Occident.
Dans un geste éminemment féminin, puisque le corps dessine une courbe, nous allons aussi accepter de « prêter le flanc », d’être vulnérables, et rester sans aucune peur dans cette attitude d’abandon, Pour mieux revenir au centre ensuite, dans un équilibre d’une force et d’une dimension nouvelles, nos deux « côtés » n’étant plus vécus en opposition mais en union, au centre justement, non pas en fusion mais en transcendance.
Qu’est-ce qu’une flexion latérale ?
Elle consiste à incliner le buste dans le plan frontal, d’un côté puis de l’autre, à gauche et à droite.
Ce qui sera essentiel dans tout ce travail sera :
- La position du bassin qui restera maintenu en bascule afin de ne pas vriller en avant ;
- L’étirement préalable de la colonne vertébrale afin de mieux l’assouplir ensuite.
La flexion latérale aura pour effets d’assouplir les flancs thoraciques, d’étirer la taille, de redonner à la colonne vertébrale toute sa souplesse latérale en sollicitant le système ligamentaire et musculaire.
Par le jeu de l’ouverture et la fermeture des côtés, elle va améliorer et amplifier les capacités costales des poumons, et « brasser » les intestins, le foie, la vésicule, la rate etc.
Plus facile à aborder dans les postures assises, elle présente un caractère d’une grande tonicité debout. Elle demande force et souplesse …
La pratique va jouer sur la découverte de l’asymétrie. Je souligne l’importance qui sera accordée au souffle tout au long de la séance. Le souffle est capital. C’est lui qui nous ramène à ce que nous faisons. Il est le garant de notre vigilance de notre état « en » yoga.
J’ai commencé ces quelques pages en vous parlant d’un arbre, le chêne.
Je voudrais les conclure en en évoquant un autre, celui de la sagesse orientale :
« La tempérance est un arbre qui a pour racine le
contentement de peu et pour fruit le calme et la paix ».
Alors, dans nos vies agitées, prenons le temps de suspendre le temps et demandons-nous quelle est la dimension de l’espace d’un instant…
En nous penchant vers la droite… ou vers la gauche ?
Isabelle Morin-Larbey
Extrait de la Revue Française de Yoga – Juillet 1996